CALYPSO ♣ En fait, amour rime surtout avec au-secours

« Comment ça tu ne veux plus aller à l'école ? »
« Ils se moquent de moi. είναι κακός. »
« γιατί ? »

Ma mère me paraissait géante, avec ses long cheveux dorés qui parsemaient sa poitrine et son sourire éternel de bienveillance. Elle était assise entre le lavabo et les plaques de cuisson, sur le plan de travail de notre caravane. Jolie caravane d'ailleurs. Toute blanche, toute reluisante, avec ma chambre à moi toute seule et même un grand placard pour ranger mes affaires. Même à dix ans j'avais déjà ce goût très -trop- prononcé pour les vêtements. Souvent je me débrouillais pour en retrouver des vieux, dans des poubelles ou chez des personnes âgées qui m'en donnaient et je les réparais avec la belle machine à coudre de ma maman. C'est pas qu'on était pauvre, surtout pas, Papa disait qu'on avait juste pas assez d'argent pour avoir une maison. Il disait qu'on aurait pas dû quitter le pays, et que les américains c'étaient des chiens. Moi j'ai jamais compris ce que venais faire les animaux là-dedans. Il me racontait souvent notre belle maison qu'on avait à Évvia, près d'Athènes, celle qui avait brûlé à cause de la forêt parce qu'il faisait chaud. J'étais trop petite pour me souvenir mais il me disait qu'elle était vraiment très belle, et qu'on voyait la mer. J'aurais bien aimé y aller, ce doit être mieux que celle de Miami ou San Francisco. Enfin je pense, mes parents m'ont toujours dit que la Grèce était le plus beau pays du monde.

Ma génitrice me regardait toujours depuis sont mètre quatre vingt dix, m'interrogeant du regard. Elle n'aimait pas que j'utilise ma langue natale à tout bout de champ, parce qu'elle ne voulait pas que je sois mauvaise en anglais. C'était juste par habitude que je la parlais, sans vraiment le savoir, quand j'étais en colère ou fatiguée, parce que c'était celle-là qui était inscrite au fond de moi et la seule qui pouvait traduire parfaitement mes émotions.
Je n'avais pas envie de lui dire pourquoi mes camarades étaient méchants avec moi. Elle se vexerait de toute façon. Parce qu'ils disaient que j'étais une clocharde dans ma caravane, et que je devais mendier dans la rue pour m'acheter à manger et que je devais retourner de là d'où je venais. Et la maîtresse elle ne leur disait rien. Je quittais la table pliante devant laquelle j'étais adossée et me dirigeais vers ma chambre.

« Nan rien maman ça va en fait. »

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Ce médecin ne m'impressionne pas du tout. Il se croit supérieur parce qu'il en sait plus que moi et il me fixe comme si il voulait garder le suspense. J'ai envie de le frapper, et il ne répond toujours pas à ma question. Du haut de mes dix-huit ans, j'insiste.

« Quelles complications ? »

Je venais de subir une opération "de routine", dans un cabinet de gynécologie, il y a deux semaines. Il m'avait rappelé en urgence, et là venais de m'avouer, toujours aussi méprisant et chauve, que deux de ses chirurgiens étaient en fait incompétents et possédaient de faux papiers, des ouvriers mexicains qui n'y connaissaient rien à la médecine. Comme d'habitude, j'avais pris ça à la rigolade et avait lancé une comparaison douteuse à propos de nachos. En fait je m'imaginais trop types avec des sombreros en train de m'ouvrir la... Je trouvais ça énorme, pas le docteur par contre. Il rajusta ses lunettes et me dis de m'asseoir en me regardant de haut en bas. Je haussais un sourcil. Ce type n'arrêtait pas de me fixer, et d'examiner mes vêtements. Je portais un t-shirt blanc à l'origine mais entièrement recouverts de capsules de bouteille diverses, et une jupe courte en plumes. Rien d'extraordinaire il me semble. Je les avais fais moi-même, j'ai bien la main pour coudre et assembler maintenant; je pouvais laisser vaquer mon imagination à fantasmer sur les moyens de rendre exceptionnels de vieux vêtements moisis, ou des bouts de tissus fades.

Il soutint mon regard et je m'assis, un léger sourire aux lèvres mais de plus en plus affolée.

« Quelles complications ?! »
« Signez d'abord ce papier, je ne le lis même pas et gribouillais avec le stylo qu'il me tendit. Donc vous vous engagez à ne lancer aucunes poursuites contre mon cabinet. »

Je hochais la tête, peu sûre, de plus en plus grave. J'ai que ça à faire de traîner deux pauvres immigrés mexicains en justice ! La moue du médecin était effrayante, ma bonne humeur habituelle commençait à me quitter et les traits de mon visage retombèrent. Il faisait la tête de ceux qui n'arrivent pas à avouer quelque chose. Exactement celle que ma mère avait faite quand elle m'avait viré de notre chez-nous en disant qu'ils allaient partir et que moi je devrais rester sagement à Boston et me faire une vie, réussir. Selon elle j'étais trop grande maintenant, elle n'avait plus les moyens ni la force de s'occuper de moi. J'avais regardé la roulotte partir avec les yeux écarquillés, tenant en main l'énorme valise qu'elle m'avait lancée et qui contenait toutes mes fringues et autres affaires. C'était il y a presque un an.

Le médecin me refixa l'air agacé en voyant que je rêvassais. Il se grattait la main et soupira.

« Ecoutez mademoiselle, vous ne pourrez jamais avoir d'enfant. »

J'avais détaché mon regard du mur d'en face pour fixer son front. Il blaguait sûrement. Ou peut-être pas.

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« Salut c'est Calypso ! Ben je suis pas là, désolé pour toi. Tu peux me laisser un message par contre et je te rappellerais chouchou. Ou pas d'ailleurs. Et si c'est encore toi, qui te reconnaîtra, arrête de m'appeler !!! Veuillez laisser un message après le bip sonore. Vous avez trois nouveaux messages. Euh c'est encore moi effectivement... Je veux juste savoir si tout va bien, vraiment. »

Je venais de rentrer de mon appartement et soupirais d'exaspération. J'avais passé une très bonne soirée et voilà qu'il me prenait encore la tête. Quand allait-il saisir qu'il n'a aucune responsabilité quelconque envers moi ? On ne s'était pas vu une semaine, d'accord, le fait est que ce n'est ni mon ami, ni de la famille, ni même un collègue. Juste une histoire de papiers. Donc il passe en dernier. Le second message était le très récurrent d'une ex qui se sentait un peu seule et qui me proposait de boire un verre; ce qui était in-envisageable. Pour l'amour ou l'attirance doit être le plus court possible, pour mieux savourer, pour ne pas souffrir. J'avais souvent souffert, énormément même parfois. Ils partaient souvent parce qu'ils trouvaient une fille un peu moins bizarre et plus belle que moi. J'avais besoin de m'exprimer et puis les hommes avaient besoin de sexe. Je m'étais donc rapidement tournée vers les femmes, lentement, avec une certaine appréhension. C'était la solution de facilité disons, même si elles me faisaient beaucoup plus de remarques sur mes vêtements impossibles et mes tenues paraissant sortir de l'imaginaire tordu d'un accro à la coke, mes blagues nulles, mes délires spontanés sans oublier ma manie de tout oublier et de m'en fiche de tout sous prétexte de vivre le moment présent. Ces choses-là irritaient tout aussi bien les garçons que les filles, et c'était bien mon handicap.

Je réécoutais le premier message une seconde fois, ayant un doute, remarquant l'intonation quasiment inaudible de sa voix qui montrait qu'il avait bu. C'était facile, la fille du deuxième message avait la même. Il me faisait rire, à me faire la leçon sur mes sorties tardives, justifiant par la ridicule feuille de papier qui nous unis. Parce qu'il me faut avoir été mariée cinq ans pour adopter. Donc quand je voudrais, grâce à lui je pourrais. On s'était rencontrés par grand hasard bien sûr, mais il n'acceptait pas cette condition entre nous, de faire nos vies comme on veut. Et j'avais peur que dans dix ans peut-être, il me réclame l'enfant.

Les pingouins sont des animaux fascinants. C'est vrai ils ont le dos noir et le devant blanc, ducoup il faut les regarder longtemps pour comprendre qu'ils ne sont ni vraiment noirs ni vraiment blancs. Et puis ils ont conscience qu'ils ont beau avoir des ailes, ils ne voleront jamais; ducoup ils ont appris à nager pour découvrir qu'ils étaient très bon dans le domaine, et que peut-être c'était même mieux que de savoir voler.